Tiraillée entre la France et l’Allemagne depuis trois siècles, l’Alsace présente un certain nombre de particularités, essentiellement en ce qui concerne les langues et écritures utilisées dans la rédaction des différents actes.
L’allemand étant la langue parlée depuis le Moyen-Âge, elle s’impose dans les documents officiels au XVIIe siècle et devient alors la langue culturelle et cultuelle.
Toutes ces particularités sont également le fruit de l’histoire tourmentée de la région mais aussi du fait de la grande diversité des confessions religieuses présentent en Alsace.
Dans cet article je te présente les particularités de ces différents registres.
Les registres paroissiaux (avant 1793)
La tenue des registres paroissiaux a été instauré en France en 1539 par l’Édit de Villers-Cotterêts. Mais l’Alsace, alors terre du Saint-Empire romain germanique jusqu’en 1648, attendra une ordonnance de l’Intendant Général d’Alsace qui instituera, en 1685, la tenue obligatoire de registres (baptêmes, mariages et sépultures), en un seul exemplaire et avec la signature des parties.
Cependant, à partir de 1525 la réforme protestante est introduite en Alsace et les pasteurs commencent à tenir des registres paroissiaux. Les plus anciens conservés concernent la paroisse Saint-Pierre le Vieux à Strasbourg en 1525 et Barr en 1559.
D’une façon générale, les registres protestants sont plus anciens que les registres catholiques.
Registre de mariages protestants
Saint-Pierre le vieux, Strasbourg
Novembre 1525
La rédaction des registres se fera donc en fonction de la confession :
Les registres catholiques seront rédigés en latin, malgré les différents édits et ordonnances prescrivant d’utiliser le français dans les actes publics.
Acte de baptême
22 janvier 1705
Bernardvillé (67)
Quant aux registres protestants, ils seront écrits en dialecte allemand gothique (luthériens), voire également en français pour les calvinistes.
L’acte de sépulture ci-contre, en date du 7 avril 1762 à Strasbourg (67), illustre bien la paléographie particulière du luthérien.
Les registres d’état civil (à partir de 1793)
Par décret du 20 septembre 1792, l’Assemblée législative définit un nouveau mode de « constater l’état civil des citoyens ». La tenue des registres sera retirée aux curés et remise aux maires.
Ce décret précise cependant :
» L’Assemblée nationale, après avoir déterminé le mode de constater désormais l’état civil des citoyens, déclare qu’elle n’entend ni innover ni nuire à la liberté qu’ils ont tous de consacrer les naissances, mariages et décès par les cérémonies du culte auquel ils sont attachés, et par l’intervention des ministres de ce culte. «
Pour résumé, cela signifie, entre autres, que la déclaration de naissance à la mairie n’abolit ni n’interdit la pratique du baptême ou de la circoncision.
Passons à la rédaction des actes et à la particularité alsacienne en fonction de l’époque.
De 1793 à 1810 :
La Révolution place l’Alsace sous les mêmes lois que toute la France. Les registres doivent être tenus en français. Le changement de langue n’est toutefois pas immédiat et le français ne s’impose que progressivement. Certains maires continuent à tenir les registres en allemand jusqu’aux années 1810.
Acte de décès
29 pluviôse an X (18 février 1802)
Petersbach (67)
De 1806/1810 à 1871 :
À partir de l’abrogation du calendrier républicain et le retour du calendrier grégorien (1er janvier 1806), les maires et officiers d’état civil commencent à rédiger les actes en français. À noter que dans la plupart des communes les registres sont imprimés pré remplis.
Acte de naissance
5 mars 1835
Andlau (67)
De 1871 à 1918 :
Le traité de Francfort (10 mai 1871) met fin à la guerre franco-allemande de 1870 et marque également l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine à l’Empire allemand.
Cette annexion vaudra à l’Alsace à nouveau un régime spécial en bien des domaines. Après six décennies à être rédigé en français les maires se voient dans l’obligation d’écrire les actes en allemand.
Extrait acte de naissance avec mention de la religion
21 juin 1883
Schiltigheim (67)
En 1876 (date à laquelle l’état civil est instauré en Allemagne), une loi impériale introduit la mention de la confession religieuse dans les actes. Inscrite dans le corps de l’acte, cette indication est supprimée par la République française dès 1919.
De 1918 à 1940 :
À l’issue de la Grande Guerre et de la défaite de l’Allemagne le 11 novembre 1918, l’Alsace retrouve la France. C’est le début d’une époque qui voit l’Alsace et les Français se redécouvrir après plus de quarante ans de séparation. Les actes sont à nouveau rédigés en Français.
Extrait acte de naissance avec mention marginale
14 juin 1920
Obersoultzbach (67)
Les mentions marginales, apposées en France depuis la loi du 17 août 1897, ne sont officiellement introduites en Alsace qu’en 1920.
De 1940 à 1945 :
Acte de décès imprimé en français mais rédigé en allemand
18 octobre 1940
Neuwiller-lès-Saverne (67)
En 1940, à la suite de la bataille de France, l’Alsace est annexée par l’Allemagne nazie. Les nazis voulaient ainsi regrouper les territoires de langue allemande ou considérés comme tels. C’est le retour des actes rédigés en allemand.
Depuis 1945 :
Acte de naissance
17 avril 1947
Ingwiller (67)
À la suite de l’armistice du 8 mai 1945, l’Alsace a retrouvé définitivement le territoire français.
Depuis, les registres d’état civil sont à nouveau écrient en français.